mardi 1 janvier 2008

Écriture de soirée

Ça m'arrive généralement en soirée. Je commence à écrire. Je laisse aller mes mots, au rythme qu'ils vont dans ma tête, je les transpose sur le clavier et ça donne un résultat, résultat amusant, résultat que j'aime généralement assez bien. Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai jamais bloggé avant, jamais vraiment, je crois, sauf peut-être cette fois . Jamais vraiment avant, sauf une fois, parce que ça ne fait généralement aucun sens, ça n'a aucune signification, ça fait juste sortir de ma tête, ces mots. Ces mots. Mes mots. Mes mots de soirée, mes mots de gars fatigué qui pense comme pour s'assurer qu'il pense, des mots de réconfort face à moi même. Je pense donc je suis, et j'écris ce que je pense, comme preuve, comme trace : j'ai existé. Je pense et je divague, je pense que je pense, c'est au bord de la méta-écriture, et je ne prends même pas le temps de vérifier si ça existe, la méta-écriture, de toute façon je m'en fous, dans ma tête ça a du sens, ça existe, comme moi j'existe, et moi et ma méta écriture on existe ensemble, dans un absolu abstrait. Et les mots défilent, ils passent, comme vous lisez et ils passent, vous oublierez sûrement ce texte aussi vite que je l'écris, mais vous lisez, peut-être pour vous réconforter. Vous lisez donc vous pensez, vous existez. Et on existe, vous, moi, et ma méta-écriture. On est trois, au moins trois, c'est clair, c'est pas défendable philosophiquement mais au moins pour le moment c'est clair, c'est au moins ça. Et au milieu de cette écriture phatique, on se perd, du moins moi je me perds, je suis mon courrant. Mon courrant qui m'amène ailleurs, à me rappeller que oui j'existe, et c'est parce que je suis en vie, et j'écris parce que je vie et pour me rappeller que je vie, parce que c'est ma manière à moi, maintenant, de la vivre, cette vie. Et j'écris pour ne pas penser à la mort, cette incontournable meurtrière, celle qui viendra un jour, et que je crains plus que tout. Cette mort qui approche tranquillement, lentement, cette Effrayante de laquelle on ne peut pas se défendre. On ne peut que fuir, que la repousser, ce qui est bien naturel, parce qu'elle est repoussante. On ne peut que fuir, et penser à autre chose. Oui, autre chose, une autre chose, n'importe quoi. Je pourrais penser à n'importe quoi, à cette locution telle quelle, «n'importe quoi». N'importe quoi, qui qualifie un peu ce texte, et qui dans ce contexte porte tellement bien son nom. Des mots, de la pensée, n'importe quoi, peu importe quoi, pourvu que ce «quoi » soit autre chose que l'Effrayante, pourvu que ça soit autre chose que l'Effrayante. N'importe quoi d'autre que l'Effrayante. Alors pourquoi je n'anylserais pas cette peur? J'ai peur, et c'est quoi cette peur? C'est de l'instinct je dirais, c'est naturel, c'est de la volonté de survie, et c'est mon instinct qui se butte au fait que je ne comprenne pas qu'on vit avant de se faire faucher par l'Effrayante, et qu'au bout du compte plus rien n'a de sens. Je passe du cynisme au nihilisme, et ça m'énerve, je n'aime pas le nihilisme, le monde existe, bien sûr qu'il existe, autant que mes mots, et au bout du compte il y a un sens, sinon je ne serais pas cynique, je ne serais pas dégoûté des actes de mon espèce. Mon espèce qui se cherche, mon espèce qui se parle quand même, qui écrit, qui blogue. Mon espèce qui tente de communiquer, qui invente des moyens de communications et des théories psychologiques par milliers mais qui n'arrive toujours pas à se parler. Parce qu'on fond ce qu'elle veut faire, pour cesser l'horreur et le massacre, c'est faire ressentir. Elle ne veut pas communiquer, elle veut partager sa douleur, elle veut être comprise. Et les mots, les explicatios, ne suffisent pas. J'en ai déjà parler. Il faut vivre pour ressentir, il faut connaître et expérimenter. Et risquer. Et subir. Parce que ce n'est pas toujours enlevant d'expérimenter, on ne cherche pas à souffrir pour expérimenter. On ne cherche pas à souffrir, personne de censé ne voudrait essayer mon cancer simplement pour me comprendre. On fond, on ne cherche pas à comprendre. On ne cherche pas à ressentir. On cherche à assouvir, assouvir ce que notre instinct nous commande de faire, et c'est l'horreur. Et parce que je ne veux pas ressentir cette horreur, j'écris, et voilà, mes pensées retournent à mes mots. Peut-être qu'au fond, mes mots sont ma seule fuite possible, j'écris, je pense, je vie, et voilà, c'est suffisant, c'est ma forme d'égoïsme, ces mots. Et je publie, sur ce blogue, et c'est une autre forme d'égoïsme, parce que je sais que vous me lisez. Et que même si vous ne me lisez pas, ça ne me dérange pas, parce que cette petite parcelle qui dit que vous me lisez, elle est perdue au milieu d'un texte bien trop long, alors ceux qui ne me lisent pas ne pourront jamais me contredire, ils ne saurant jamais que j'ai écrit ça. Ça. N'importe quoi. N'importe quoi, encore, un n'importe quoi qui m'absorbe, qui me consomme, mes mots qui passent et que je donne, je donne mon être et mon âme à manger à mes lecteurs pour m'assurer que je suis en vie, quelle peur quand même. Je suis un peureux, au bord de la faiblesse, aussi peureux que vous, j'imagine. On m'a dit d'incomptables fois que j'étais courageux, face aux évènements, face à ma maladie qui tue, face à mes traitement, mais en fait je suis un trouillard enchaîné à son instinct, son misérable instinct. Mon misérable instinct, qui craint l'Effrayante.

Ah tiens, on est en 2008. Bienvenue.

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