De la gentillesse. De cette gentillesse. De cette gentillesse qui grince, qui crispe et qui heurte mes oreilles, de ce mot : «gentil».
Ah! il n'existe pas plus indignant que ce compliment, ce soi-disant compliment qui masque le transparant avec du pâle. Il est révoltant, ce mot. «Gentil». Je souhaite à son inventeur qu'il subisse son invention!
Gentil est le plus fade des compliments. Il est à la frontière de la neutralité, de l'inaction. Se faire dire gentil, c'est se faire traiter de mouton, de suiveur aveugle d'une moralité entendue.
Je déteste me l'entendre adressé. Je préférerais infiniement recevoir un aute compliment (1 divisé par 0 donne l'infini, selon la théorie des limites). Me faire dire bon, bien-veillant ou serviable serait beaucoup mieux. Mais gentil, c'est tellement fade, tellement dilué. Si vous ne mettez pas d'eau dans votre vin, n'employez-pas positivement le mot gentil.
Je crois que je préfère me faire qualifier de méchant plutôt que de gentil, parce qu'au moins la méchanceté sous-entend un peu d'originalité, de créativité. Elle implique une force et une personnalité, pas une ennuyante fadeur.
Et si vous voulez être créatif et que vous croyez en une morale, essayez plutôt «activiste du bien» ou «partisan de la réussite», ou une autre idée de votre cru. Parce que les gens qui emploient «gentil», ce sont généralement des personnes gentilles.
Je ne suis pas gentil.
lundi 31 décembre 2007
De la gentillesse
vendredi 28 décembre 2007
La racine de la désillusion
On ne la retrouvera pas, de toute façon elle devait être assez cynique pour ne pas se soucier du prestige que ça aurait pu lui apporter, mais je cherche la personne qui a inventé le mot «Désillusion». Pour l'admirer, un peu.
Parce qu'en faire un mot, l'intégrer dans la langue, cette désillusion, c'est instutionnaliser dans la pensée collective que les gens qui ne se disent pas désillusionnées vivent en fait dans l'illusion. Quelle idée, quand même.
Vive la langue française.
L'homme cynique
L'homme en question devint cynique le jour où il maudit son instinct pour la première fois. Parce qu'à ce moment là, il comprit, ou du moins il ressentit, qu'il était pitoyable. Ouais, ça a commencé comme ça, il réalisa la vérité, il réalisa qu'il était enchaîné à son instinct, et qu'il ne pourrait pas s'en débarrasser sans renier sa propre nature.
Face à sa propre impuissance, elle même face à lui-même, il s'est ouvert les yeux, pour regarder le monde, pour voir autre chose que son être qu'il souhaitait autre, et il prit conscience que sa misérabilité n'avait même pas la décence d'être unique; il découvrit des milliards d'autres êtres qui répugnaient son intellect.
Il vit dans tout le soi-disant mal du monde des hormones et de l'emotivité mal placés. Il regarda des enfants, purs et neufs, se faire des maux inguérissables dans les cours d'école. Il regarder des adolescents se rejetter, s'ignorer, se suicider. Il regarda des jeunes adultes se tromper, se mentir et se fair pleurer sans cesse. Il regarda des riches privatiser la terre, l'eau et le ciel, exploiter des pauvres de tous les continents jusqu'à la mort. Il regarda des guerres irraissonnées, des massacres, des génocydes et autres cruautés imprononçables, qui s'étaient commises par milliers de fois et qui se commettaient encore aujourd'hui.
Il regarda une humanité, il regarda six milliards d'humanités, en quête d'estime personnelle, de reconnaissance, d'amour et de sexe, s'entredéchiqueter sauvagement. Il était dégoûté.
Un instinct de survie, un instinct de reproduction, qui était censé assurer la continuité de l'espèce, un peu d'évolution, et ça donnait un animal social tellement intelligent, qui voulait tellement survivre et se reproduire, qu'il était prêt à tout. Elles étaient là, les racines de son cynisme : la société, son intelligence et son instinct.
jeudi 20 décembre 2007
Mon docteur
Tout à l'heure, j'ai remis une carte à mon oncologue, la personne que j'admire le plus en ce monde. Quand j'ai été diagnostiqué terminale, quand la majorité des médecins s'entendaient pour dire qu'il n'y avait plus rien à faire pour moi, il a travaillé très dur pour me transférer d'hôpital, pour me refaire passer tous les examens et ultimement pour me sauver. Et il ne me connaissait même pas. En écrivant dans sa carte les quelques mots qui ne diraient jamais autant merci que je ne le voudrais, j'avais les larmes aux yeux.
Mon oncologue est un être exceptionnel. Il consacre sa vie à sauver celles des autres. Au département d'oncologie de mon hôpital, on dit souvent de lui qu'il a un amour féroce ou maladif envers ses patients. D'ailleurs, il prend le temps de visiter ses patients hospitalisés un à un, à tous les jours. Il les aime, ça parait dans son regard.
Encore aujourd'hui, il m'a rappellé l'existence des Fonds Jasons, une fondation qui lui tient particulierement à coeur, qui vient en aide aux jeunes adultes atteints du cancer. Il est comme ça mon docteur, il pense aux prochains, au travail qu'il reste à accomplir. Je l'admire mon docteur, c'est un Homme bon.
dimanche 16 décembre 2007
Dur à comprendre
Il y a des sentiments, comme le deuil, l'amour ou le désespoir profond, qui sont durs à comprendre tant qu'on ne les a pas vécu. Ce sont des sentiments rares. Mais dès qu'on les a vécu, ne serait-ce qu'une fois, on peu les comprendre, on peut se remémorer l'effet qu'ils ont, la force qu'ils transportent.
J'ai un sentiment à moi, très intime et très privé, que personne de mon entourage ne peut comprendre. Et je doute même, un jour, rencontrer quelqu'un qui pourra le comprendre, quelqu'un qui l'aura vécu. Ce sentiment, c'est le plus puissant que je connaisse, et c'est mon préféré. C'est celui d'avoir survécu à un diagnostic de phase terminale.
J'ai connu bien des gens qui ont reçu ce diagnostic, et il enclanche un sentiment bien terrible, avec une impression de fatalité. Ça transforme un être. Ça détruit et ça crée. Et ça fait réaliser bien des choses.
J'ai survécu. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre. Je ne sais pas si vous pouvez saisir l'ampleur. Je me sens la personne la plus chanceuse au monde. Et il n'y a pas grand chose qui pourrait m'enlever mon sourire, ce soir.
Saturés
Ne serait-ce qu’une seconde, du sucre en symbiose et suffisamment seuls pour symboliser, seulement et sûrement, ce surmenage sentimental subi solennellement, s’en épanouissait. Sous ce silence, ce sursis sonore sans souffrance, douce sorcellerie soufflée si sobrement, se choisissait aussitôt une suite, celle qui sera savourée et sacrée céleste. C’est surtout ça, saisir ses sensations, saturés.
vendredi 14 décembre 2007
Mille projets
En France, j'ai appris à découvrir et à redécouvrir. Je me suis mis en têtes des dizaines de projets. Des voyages à faires, des images à capturer, des expériences à vivres, des repas à cuisiner, et ainsi de suite.
Avec ce qui se passe en ce moment, j'ai compris que mes projets ne doivent pas être que des projets. Ils sont dorénavant des objectifs, des idéaux. Quand j'en aurai fini avec les traitements, je vais commencer l'université, me trouver un emploi passionnant, et exploiter chaque petite idée étincellante qui traversera mon cerveau fonctionnel. Je serai l'Homme aux mille projets.
mercredi 12 décembre 2007
Diagnostics
En France, on m'a diagnostiqué un mal de dos dû au stress, puis une anxio-dépression.
De retour au Québec, on m'a diagnostiqué un mal de dos, puis après des semaines de pillules, on m'a prescrit de l'acupuncture.
Suite aux inneficacités de l'acupuncture, un troisième médecin m'a prescrit de la physiothérapie.
Ensuite, j'ai fait une crise d'épilepsie. À l'hôpital, après les examens, on m'a diagnostiqué un cancer presque généralisé, phase terminale avec quelques jours à vivre.
Après un transfert à un autre hôpital, finalement un cinquième médecin, mon oncologue, m'a diagnostiqué un rhabdomyosarcome. Guérissable.
Ça peut valoir la peine de demander un autre diagnostique. Même quatre fois. Ça peut faire la différence entre vivre ou non.
lundi 10 décembre 2007
Ponction de la moelle osseuse
-Attention je vais piquer. Il paraît que ça pique, que ça irrite et que ça brûle en même temps.
- Ok cool? Vas-y!
[Injection]
- Ah! eh!
- Alors c'est vrai, ça irrite et ça brûle aussi?
- Ouch. euh... Aïe! Trop d'information, j'peux... pas.... dire.
- Ok. Je vais vous anastésier l'os.
- Go!
[Injection]
- Argh!
- Bon, je vais maintenant préparer la seringue pour la ponction.
- C'est vous le boss doc.
Non mais qu'est-ce que je fais ici moi? J'en peux plus. Ne pas pleurer, ne pas pleurer...
- Je pique encore. À cause de l'anasthésie, vous ne devriez pas sentir de douleur, seulement une pression.
- Vous n'avez pas besoin de me vous-voyer doc. Go!
[Ponction]
- Ça va?
- Euh... Correct, doc.
- Je préfère vous vouvoyer, je ne vous connais pas assez.
- Vous êtes en train de me faire une... Aïe! Une ponction dans la fesse!
- Ça te fait mal?
- C'est correct, je vais arrêter de crier, faîtes votre job. Vous avez glissez un "te".
- J'ai fait exprès. Je peux faire la ponction un peu plus haut, ça ne devrait pas faire mal mais ça va bouger un peu plus.
J'suis bien trop stressé. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer.
- Ok doc, je... Argh. Faîtes.
[Ponction]
- C'est terminé.
- Eww. J'suis content.
dimanche 9 décembre 2007
Globe musical
Je vis chez mes parents depuis que je suis de retour de France, parce qu'avec la maladie je ne peux pas vraiment travailler et, et donc payer un loyer. Mon père a un système de son digne de ce nom, et j'ai redécouvert dernièrement le plaisir d'une musique bien définie.
Je fesais le ménage dans l'appartement, et puisque les voisins étaient partis, j'ai décidé de monter le son, un peu. Pas mal en fait.
Ah! ce que c'était plaisant de se retrouver dans ce globe musical! Les hauts parleurs projettaient le son dans l'appartement, et ce son qui rebondissait de mur en mur finissait par sembler être partout. En fermant mes yeux, je pouvais situer chaque instrument, et entendre chaque note, chaque frottement de corde, chaque coup de percussion de ce vieux rock qui habitait l'appartement. Tout d'un coup le monde s'était réduit à quelques mètres cubes, à un petit et confortable globe muscial où chaque détail faisait de ma vie un plaisir en haute définition.
Je souriais, je crois.
jeudi 6 décembre 2007
La liste de Ben
Je vous ai déjà parlé de Benoit, mon grand-père. Si vous relisez ce texte sur lui, ce texte que j'ai écrit bien avant d'avoir mon cancer, vous devrez y percevoir la même combativité que je dis avoir dans le sang.
Il était spécial, mon grand-père, un de ces hommes de l'autre époque, plein d'orgueil et de caractère. Il a fait la guerre, il a déserté avant une campagne dangereuse sur le front pacifique, il avait un regard qui commandait le respect et il avait toute une réputation dans la petite ville de Chambly. Il était spécial, mon grand-père, je pourrais écrire un petit livre à son sujet. Il y en a, des histoires à son propos.
Celle que j'aime le plus raconter, c'est celle de sa relation avec les chats.
Ben n'amait pas les chats. Ce n'était pas inné, c'était réactionnel. Beaucoup de chats de son quartier (le quartier du fort, entre l'usine d'Unibroue et le Fort de Chambly) fesaient leurs besoins sur son terrain, et il n'appréciait pas. C'est parce que Ben était très méthodique, et minutieux et propre, et il tenait à ce que son terrain soit toujours parfait.
Ben décida donc de prendre les choses en main, et d'éliminer les chats qui s'aventureraient sur son terrain. Au début, il installa un bol de lait électrifié dans sa cave, accessible aux chats par une porte ouverte donnant sur l'extérieur, mais ça ne fonctionna pas. Les chats étaient attirés par le lait, mais le choc n'était pas assez puissant. Il modifia donc le concept et installa une trappe à chat, basée sur le concept du bol de lait. Ça fonctionnait. Le matin, quand il se levait, il allait dans sa cave pour voir s'il avait attrappé des chats, et s'il y en avait, il les éliminait à la carabine. Mais étant méthodique, et minutieux et propre, il se lassa de la carabine. C'était trop salissant. Il se confectionna donc une machine de son cru, qu'il batisa gentillement le «strangulateur téléscopique». C'était un gadget, fait avec une perche de bois et une corde, qui permettait d'étrangler un chat à distance. Le bol de lait, la trappe et le strangulateur téléscopique, c'était d'une efficacité ahurissante.
Puisqu'il était méthodique et minutieux, mon grand-père prenait en note la date, la couleur et le nombre de chat qu'il tuait à chaque jour. Et il les numérotait. Quand il est décédé, on a retrouvé dans sa cave sa liste. En une dizaine d'années, il a tué 220 chats.
220. Il était spécial, mon grand-père.
mercredi 5 décembre 2007
Votre Narrateur, et de la photo
Je me suis mis activement à la photo, quand j'étais en France, parce que j'aime bien faire de la photographie et parce que l'architecture là-bas était absoluement impressionante. Maintenant que je suis en vie, je prends beaucoup plus de temps en arrière de mon appareil, parce que la vie est courte, et l'activité passionnante. Hier j'ai commencé le numérique, et plus particulièrement le traitement d'images numériques. Ça ne remplaçera jamais vraiment la chambre noire pour moi, mais j'ai quand même trippé à mettre en valeur mes nouvelles compositions.
Même s'il est un peu trop artificiel, je suis fier du portrait de moi qu'il y a juste à droite. Il représente bien votre Narrateur, celui de Sombres Mots, et par le fait même, celui de sa vie d'après. Je crois.
mardi 4 décembre 2007
Le plaisir du détail
Profiter de la vie, ça va jusque dans les détails. La subtilité du goût d'une orange, la petite teinte chaude dans la lumière du matin, l'odeur d'un livre. Ça commence par là, l'amour de la vie.
Dans les qualités requises pour un emploi, on demande souvent le soucil du détail. Je n'aime pas cette locution, je ne comprends pas pourquoi des personnes devraient être soucieuses à propos de détails. Les détails sont là pour être appréciés.
L'inverse peut-être aussi vrai. Combien de choses peut-on endurer, en se disant que ce ne sont que des détails? Combien de repas ordinaires accepte-on de manger pour des raisons souvent ridicules, combien de temps passe-t-on à écouter des fins de films qui ne nous intéresse même plus, combien de monologues ennuyeux écoute-t-on par politesse?
Lecteurs de ce blogue, je vous donne aujourd'hui un conseil. Célébrez les saveurs. Prenez plaisir aux détails, n'en faîtes pas votre cauchemar. Ne maintenez plus ces habitues qui vous ennuient, transformez les en moments que vous trouverez agréables. Ne mangez plus de crevettes si vous n'aimez pas ça, et à la place savourez un aliment qui vous passionne. Écoutez les musiques qui vous font vibrer, vivez vos envies momentanées, prenez plaisir aux détails et à la vie! Et, souriez.